Ode à l’impermanence

Ode à l’impermanence

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Amour, PhiloSex

21 Dec 20

Ça m’agace 😡😡😡
Ça m’agace qu’on amène ces “polyamoureux” comme des singes de foire sur un plateau TV tapageur et racoleur.
Ça m’agace qu’on les laisse s’exprimer pour créer le drame et mieux choquer le public. Qu’on leur demande ”comment vraiment ils peuvent ne pas être jaloux ?” Comment c’est possible de “tremper son pinceau ailleurs” et d’accepter que celui-ci “revienne à la maison” ?
Ça m’agace que ces “polyamoureux” soient toujours vus à la lumière de la faute, bizarres par définition, dégénérés.
Ça m’agace ce manque d’ouverture, ça m’agace qu’on ne parle pas de l’amour, du respect et de la liberté, et qu’au lieu ça on ne les observe que depuis le postulat du couple et de l’exclusivité.
Ça m’agace qu’on ait en plus besoin de rajouter que “polyamour c’est pas libertin”.
Et si libertin c’était bien !?!?
Bon OK, une bataille à la fois.

Celle de l’impermanence d’abord, et de notre refus ou notre incapacité à accepter les changements, l’évolution, les ruptures, la mort.
Nous nous pensons tout puissants. Toute puissance sur le temps qui passe, sur la vie, sur la mort, sur les relations : tout doit être domestiqué, contrôlé. C’est ça notre civilisation moderne. C’est le pouvoir de guérir tout le monde, de définir et de circonscrire une relation à un contrat ; c’est le contrôle des événements, des relations, les assurances qui nous rassurent.
Mais cette toute puissance supposée, c’est la mort de l’impromptu, de la surprise, de l’évolution, du changement, c’est l’abolition de la beauté, de l’émerveillement, de la griserie à laquelle invite le risque.
C’est la mort de la création.
C’est la mort de la vie.

Dans de nombreux domaines de notre vie on trouve ça normal le changement, voire bien : on change de goût, parfois d’habitude. On consomme à tire-larigot de nouveaux habits, maisons, lieux, métiers… Ah mais ça c’est normal, l’hyperconsumisme, ça rempli. Ça occupe.
Tant qu’on ne touche pas aux relations. Car celles-ci, comme par enchantement, devant notre terreur de perdre nos marques, ne doivent changer qu’en cas de crise grave, et on devra se battre pour leur sauvegarde coûte que coûte (et ça coûte parfois beaucoup de souffrance, vous en conviendrez…). En effet, chaque relation doit durer le plus longtemps possible et chaque séparation est un échec doublé d’une grande tristesse, un drame, un “je suis désolé.e pour toi”, un “quel dommage, ça n’a pas marché”…
Mais si !!! Justement ça a marché. Mais un temps. Et de toutes manières, toutes les relations se terminent, par une rupture, la maladie ou la mort, c’est un cycle naturel et ça fait des millions d’années qu’on s’entraine alors pourquoi en faire tout un fromage !?
Quand saurons-nous célébrer la fin d’une relation comme le passage positif à une phase suivante ? Quand pourrons-nous voir sereinement l’apprentissage et la complétude paisible que l’autre nous a enfin apportée quand une relation arrive à son terme (plutôt qu’à sa fin) ?
C’est que maintenant, on a fait tellement de progrès, qu’on a le droit de ne pas mourir, on a des soins pour tout, on répare tous les symptômes (en perdant de vue la cause, du reste). D’ailleurs on a même pas le droit de mourir non plus…

Quand saurons-nous nous ouvrir suffisamment à l’amour pour ne pas l’emprisonner dans l’exclusivité qui ne fait que nous protéger du changement naturel ?!?
Ça m’énerve, tous ces couples guindés qui ne font que critiquer ou refuser la liberté que l’on octroie à l’autre quand on refuse qu’il nous appartienne. Oui parfois c’est dur de ne pas “avoir” l’autre à tout moment près de soi quand on aime. On aura tous vécu ces angoisses et ce désir brûlant d’aimer quelqu’un qui est loin, qui est inaccessible. Et alors ? Qu’est-ce que ça nous retire à nous qu’il soit avec quelqu’un d’autre si les moments que l’on vit ensemble sont bien ? Est-ce qu’il nous aimerait plus si on l’avait séquestré !? (Voir l’excellent post d’Audren à ce sujet)
Surtout quand la passion se distille au bout de quelques années… Aucun sens…

Personne ne mettra en doute que l’on peut avoir plusieurs amis. Que chacun est différent, et que chaque échange est source de bonheurs et d’apports particuliers, qui chacun nous font avancer. C’est évident n’est-ce pas ? Alors quelle est la différence ?
Qu’on se touche ?
Qu’on accueille d’autres émotions ?
Le corps ressent toute l’émotion que quelqu’un nous transmet. Alors pourquoi se refuser ce plaisir ? Pourquoi se refuser de l’exprimer ?
À cause de vieilles croyances et coutumes du XIXè siècle ?
Une peur de ne pas être maître de ce qui nous entoure ?
Un refus d’accepter que les humains sont fondamentalement des êtres libres d’aller, d’évoluer, de changer, d’aimer ?

On nous dira que le couple est nécessaire à fonder une famille équilibrée, que ce vieil amour désintéressé et sans sexe est si doux… les vieux jours, où l’on a plus que l’un et l’autre pour se tenir compagnie.
Mais bien sûr, c’est chouette. Aussi. Mais comme dirait Françoise Simpère, ça c’est ce qu’on appelle “un compagnon”, pas “un amant”.
Et rien n’empêche d’avoir les deux.
Un compagnon stable et “fidèle” à son quotidien, et des amours, des histoires, des aventures qui font papillonner la vie en nous.
Tout devrait pouvoir remplir nos vies sans limites. Sans empêchement, sans jugement.

Si seulement on pouvait lâcher prise, arrêter de s’accrocher à un être comme à un radeau de survie investi par le besoin, avec son corollaire : la peur de le perdre. Tout ça parce qu’au début on se sent tellement fragile quand on est amoureux, qu’on recherche une sécurité (illusoire) à tout prix. Celle-là même qui trop souvent nous enferme dans une relation au delà du temps imparti, qui la mine et la torture, jusqu’à ce qu’elle en meure au coeur d’une bataille ordinaire et cruelle.

Alors pourquoi ne pas accepter la mort comme une réalité du quotidien, avec bienveillance et sans crainte, l’accueillir en douceur et ainsi laisser plus de place à la vie…?


Ils en parlent :

Colère - Denis Marquet
The Tibetan Book of Living and Dying - Sogyal Rinpoche
Le Guide des amours plurielles - Françoise Simpère

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